mercredi 4 août 2010
AMI SAID
Bien mauvaise nouvelle hier, apprise en bavardant avec Ahmed, un ami algérien sur facebook (il n'y a pas de bon ou de mauvais média pour apprendre les mauvaises nouvelles), l'Ami Said est mort cette semaine, et comme une mauvaise nouvelle ne vient jamais seule, il est même déjà enterré.
Je l'ai appris trop tard pour pouvoir être présente en pensée ou en fleurs. Je demanderai à quelqu'un d'aller mettre des roses jaunes sur sa tombe puisque, comme il me l'avait dit un jour, la symbolique des fleurs, c'est de la gnognotte, qu'est-ce qu'elle a fait au Quidam qui a inventé cette fichue symbolique pour mériter cette sale réputation? On dit en effet que le jaune est la couleur du luxe, de la gloire, du succès mais aussi de l'infidélité et de la trahison.
Ami Said, je l'ai rencontré lors d'un voyage en Algérie en 2002, revu en 2006 lors d'une seconde visite et entre temps de beaux échanges épistolaires parce que l'internet c'était pas son truc. En 2007 dans une lettre il m'écrivait sur le bénévolat parce qu'il était militant dans une association, celle qui nous a fait nous rencontrer :
"Au niveau des association le mal est partout le même, le bénévolat tend à disparaître de plus en plus. Le monde, à tort ou à raison, est devenu calculateur. remarque que s'il n'y a que toi qui donnes, que recevras tu donc? les mercis, les bisous, les belles paroles, on en a le cul cousu ! Ca ne mange pas de pain ! Pourtant il reste enfoui en soi une satisfaction réelle, celle d'avoir eu l'occasion de tendre la paluche, de distribuer quelques sourires et d'avoir fait quelques heureux de temps à autre."
Si je cite ce passage, c'est pour me rappeler, à moi et à ceux qui l'ont connu à quel point chez lui langue et militance ne faisaient qu'un. C'est assez rare. Je me souviendrais longtemps de notre première conversation quand après quelques sorties de vocabulaire de Ami Said, dignes de certains écrits de San Antonio au niveau du langage, je lui demande depuis combien de temps il a été en France, et il me répond qu'il n'y a jamais mis les pieds ! Jamais, je n'en revenais pas. Que quelqu'un puisse maîtriser à ce point toutes ces expressions fleuries que je n'ai que rarement entendues dans la bouche d'étrangers! C'est surement là où j'ai compris qu'entre algériens de la génération de Said et français, il n'y a pas de notion étrangère, au contraire, l'autre est plus soi qu'ailleurs.
Et le reste, cette sensibilité si rare et cet intelligence qu'il avait de la vie. Ces crises de fou rire partagées, entre autre, celle du fond du bus entre Bejaïa et Alger, on a failli y passer d'ailleurs car notre chauffeur fatigué avait pris la quatre fois en sens inverse, rien que cela ! Tout le monde, enfin ceux qui ne dormaient pas, était morts de trouille dans le bus et nous, et bien, on rigolait n'ayant rien vu de tout ce mic-mac sur la route ! Je me ne souviens plus bien du pourquoi de la crise de fou rire, quoique, cela avait peut-être à voir avec des méthodes de drague algériennes et/ou françaises !
Un jour parce qu'un de ses amis proche était mort subitement, Ami Said m'a écrit : "les gens qui ont vraiment compté pour toi ne sont jamais loin.". J'ai redit cette phrase hier à Ahmed qui était encore plus proche que moi de Ami Said.
A Ami Said donc, qui n'est pas si loin que cela aujourd'hui. Une chanson qu'il aimait et que j'apprécie aussi beaucoup.
IDIR EN CONCERT A AVA NOUVA
Tkhilek lliyin tabburt
A Vava Inouva
Tchenchen tizzebgatin
im A yelli Ghriba
Uggadegh lwahch lghaba
A baba inouva
Uggadegh ula d nekkini A yelli Griba
Amghar yenttel deg bernus
Di tesga la yezzizzin
Mmis yethabber i lqut
Ussan deg wqerrus tezzin
Tislit deffir uzzetta
tessalay tijebeddin
Arrac zzind i temghart
Asen tesgher tiqdimin
Adfel yessud tibbura
Tuggi kecment s-ihlulen
Tajmaât tetsarju tafsut
Aggur d yitran hejben
Mad aqejmur n tasaft
Idgger akin idenyen
Mmlalend akw ayt wexxam
I-tmachahut ad sslen
Traduction des Paroles:
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Je t'en prie père Inouba ouvre-moi la porte
O fille Ghriba fais tinter tes bracelets
Je crains l'ogre de la forêt père Inouba
O fille Ghriba je le crains aussi.
Le vieux enroulé dans son burnous
A l'écart se chauffe
Son fils soucieux de gagne pain
Passe en revue les jours du lendemain
La bru derrière le métier à tisser
Sans cesse remonte les tendeurs
Les enfants autour de la vieille
S'instruisent des choses d'antan
Je t'en prie père Inouba ouvre-moi la porte
O fille Ghriba fais tinter tes bracelets
Je crains l'ogre de la forêt père Inouba
O fille Ghriba je le crains aussi
La neige s'est entassée contre la porte
L'"ihlulen" bout dans la marmite
La tajmaât rêve déjà au printemps
La lune et les étoiles demeurent claustrées
La bûche de chêne remplace les claies
La famille rassemblée
Prête l'oreille au conte
Je t'en prie père Inouba ouvre-moi la porte
O fille Ghriba fais tinter tes bracelets
Je crains l'ogre de la forêt père Inouba
O fille Ghriba je le crains aussi
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3 commentaires:
Très bel article vraiment.....triste et émouvant, mais joyeux aussi....
Merci Christel
04/08/2010 22:20Par Esther L
Christel ,c'est un très bel hommage ,que vous faites à votre ami.
04/08/2010 22:28Par elise david
Je suis de ceux qui considèrent que sans mort il n'y a pas de vie, et vice versa. La tristesse est là toujours quand quelqu'un s'en va mais je tente toujours de me rappeler la personne et ce qu'elle était dans le sens le plus fort du terme, pas seulement ce qu'elle m'a donné ou ce que je lui ai donné mais ce je ne sais quoi qui fait la richesse d'un être et d'une rencontre.
Ami Said était de ces gens qui rendent la vie plus belle autour de soi, de ceux dont l'humour vrillé au corps les rendent forts et passionnants.
Je pense à lui ce soir et à tous ceux à qui il va manquer, forcément.... Je trouve injuste qu'il soit parti juste 5 ans après avoir pris sa retraite d'infirmier. Il aurait pu avoir encore de belles années devant lui, mais qui a dit que la vie était juste? Elle est juste imprévisible, parfois dans le sens positif, parfois dans le sens négatif, malheureusement !
04/08/2010 23:12Par Christel
Ce n'est pas sur les terres de Avava inouva, mais sur celles de Camus que nous avons pensé à votre ami Said et que nous avons lancé à la mer des glaïeuls jaunes. Que le dieu de la mer se charge de lui transmettre toutes vos pensées!!!
Inchallah, vous aurez d'autres amis aussi attachants dans cette région du monde
Salutations de Cherchell, Tipasa, Sidi Guilès et Gouraya
11/08/2010 15:11Par MissFaff
Je t'en prie père Inouba ouvre-moi la porte.
Et puis une porte s'est ouvert.
04/08/2010 23:10Par jamesinparis
Très juste, espérons que de là ou il est après avoir franchi la porte, il continue de se bidonner comme ici, souvent :)
04/08/2010 23:11Par Christel
modifierrépondrealerter
De retour sur Mediapart entre deux connections difficiles (loin du bercail), voilà que je lis ton billet plein de tristesse, Christel.
Mais souviens-toi de ce que ton ami disait : "les gens qui ont vraiment compté pour toi ne sont jamais loin."
05/08/2010 14:14Par Yolaine Maillet
Merci Yolaine, cette phrase est si vraie et en même temps un peu paradoxale quand les gens vous manquent tant !
07/08/2010 23:23Par Christel
modifierrépondrealerter
Merci Yolaine, cette phrase est si vraie et en même temps un peu paradoxale quand les gens vous manquent tant !
07/08/2010 23:23Par Christel
Bel hommage pour votre ami said.
Demain je serai sur les terres de vava inouva,des que je verrai une fleur jaune
j aurai une pensee pour lui.Je pourrai aussi lancee une a la mer de votre part.
Voila pour vous et votre ami.
07/08/2010 16:43Par MissFaff
Je vous en remercie beaucoup, pour moi et pour lui.
Votre petit message me touche énormément.
07/08/2010 23:20Par Christel
Alors se dire qu'il nous manquera comme quand il était loin?
08/08/2010 22:44Par Axel J
Ce n'est pas sur les terres de Avava inouva,
mais sur celles de Camus que nous avons pensé à votre ami Said et que
nous avons lancé à la mer des glaïeuls jaunes. Que le dieu de la mer se
charge de lui transmettre toutes vos pensées!!!
Inchallah, vous aurez d'autres amis aussi attachants dans cette région du monde
Salutations de Cherchell, Tipasa, Sidi Guilès et Gouraya
11/08/2010 23:56Par MissFaff
Merci de tout coeur..
12/08/2010 20:30Par Christel
modifierrépondrealerter
Oui, nous devons avoir cette certitude que la seule chose qui continue à faire vivre quelqu'un dans notre cœur (ou notre tête), ce sont les souvenirs que nous gardons de lui. Ou alors, ses œuvres quand il s'agit d'un artiste ou d'un créateur.
Et, l'évoquer, n'est-ce pas dire "Je ne t'ai pas oublié, tu vis toujours en moi au travers de la trace que tu y a laissée".
N'est-ce pas aussi la signification concrétisée du bouquet qu'on dépose ici ou là?
Ami Saïd n'est plus là en chair et en os mais sa présence persiste. Amitiés à lui.
12/08/2010 22:42Par M Philips
Magnifique billet, et hommage a cet homme que tu nous fais connaitre un peu.
12/08/2010 23:18Par Oliv92
A Akbou, beaucoup vont le regretter, et ailleurs aussi....
12/08/2010 23:32Par Christel
Bonjour, Christel,
Un ami vient de m'avertir que vous cherchez une traductrice francais-allemand sur mediapart. Désolée de vous contacter ainsi, mais je ne suis pas abonnée à mediapart et ne peux donc pas vous contacter autrement. Je suis Autrichienne, ai fait des études de francais et de russe, écris ma thèse sur la litt. maghrébine féminine, enseigne le francais et le russe et ai de l'expérience dans le domaine de la traduction. Si vous êtes toujours intéressée, je vous prie de me contacter: rgeyss@gmail.com Merci et bonne journée à vous!
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