samedi 16 octobre 2010
Une culture de contestation nouvelle ou le faux engagement citoyen?
Crédit photo Amnesix
Je viens de terminer la lecture de plusieurs articles sur Stuttgart 21, énervée de ne rien comprendre du pourquoi de la chose.
D'abord sur des blogs car je trouve que les informations officielles sauf dans le cas du magazine Stern sont floues et peu faciles à comprendre. J'ai donc lu Der postillon avec cet article : Pro and Contra: der Postillon erklärt Sttugart 21
puis sur le site Txaxcala , bon conseil de Boris Carrier cet autre article : non á la nouvelle gare : les stuttgartois inventent une culture de contestation de David Weyand et traduit par Michèle Mialane. L'original en allemand est ici.
Bon résumons, c'est quoi cette histoire pour ceux qui n'ont pas suivi la chose. Sur son blog, Aphasix résume assez bien l'histoire :
C’est quoi, Stuttgart 21?
"La ville de Stuttgart est la capitale du land de Baden-Württemberg. Un bastion du CDU depuis la création de l’Allemagne d’après-guerre. Depuis quinze ans la DB [la SNCF allemande] travaille sur un projet énorme : faire passer la gare de Stuttgart au sous-sol et les travaux ont débuté en juillet.
Pour quoi Stuttgart 21 ?
- sans ce projet, Stuttgart et le Land seraient désertés par le trafic ferroviaire international « rapide »
- le temps de voyage entre Stuttgart et Ulm serait réduit de moitié
- 4000 emplois. Le terrain dégagé sera constructible : un nouveau quartier
- Les espaces verts seraient aggrandis, ainsi que la qualiité de vie
la ligne Paris-Budapest, enfin…
- confort des voyageurs (pas sage de 16 quais à 8, etc.)
- l’aéroport et les centre de congrès seront reliés à la ligne rapide d’Ulm
mais il y a contestation car :
Pourquoi pas Stuttgart 21 ?
- le prix dérape sans fin. Jusqu’où ? Ils réclament plutôt des écoles, et un effort au niveau santé et social
- une « mise à jour » de la gare actuelle couterait beau coup moins cher
rien n’empêche les connexions envisagées en surface
- une grande partie de la gare actuelle est « monument historique ». Pourquoi la détruire ?
- les arbres (au moins centenaires) vont être abattus
- le nouveau quartier sera un quartier « à riches »
- on soupçonne certains membres du gouvernement [du Land] de conflit d’intérêt : beaucoup d’argent va circuler"
Mais où les choses ont bien pu déraper où normalement, selon la légende, il n'y a pas de manifestations en Allemagne? Au début, les manifestations étaient bon enfant et il y avait un peu de tout dedans selon ce qu'en disaient les informations, et puis il y a eu dérapage de violence.
Le 30 septembre. ils ont cherché à abattre les arbres du parc alors que la décision de justice n'avait pas encore été officiellement faite. Les arbres ont donc été abattus. Puis contre les protestataires, il y a eu usage de violence par jets d'eau : les résultats sont terribles, plusieurs personnes blessées : un homme qui risque de perdre la vue entre autre dont l'image a fait le tour de l'Allemagne.
Ce n'est pas passé inapercu à mediapart, ce billet en est la preuve.
Romain Lacuisse : De Stuttgart à Bastille, comment le citoyen peut-il conquérir son droit au débat public?
Dans ce billet l'auteur pose une juste question pour ouvrir un débat qui ne s'est pas fait sur ce billet, à mon grand regret car le billet m'a semblé passionnant ! « pourquoi la société civile a-t-elle abouti à ancrer juridiquement la notion de débat public dans le domaine de l'aménagement, et pas dans le domaine social (et sa question subsidiaire : est-ce seulement souhaitable) ? »
Bon en l'occurrence à Stuttgart, le débat politique s'est transformé en confrontation politique. Les procédures de dialogue ont fait dramatiquement défaut. Pourtant ce que dit dans son article David Weyand est force de conviction et d'optimisme. Je ne sais personnellement pas du tout s'il faut le partager. Pour David Weyand, qui a interrogé le sociologue Didier Rucht et dont il cite les propos :
" Les Stuttgartois « se sont réveillés ». Ils auraient compris que Stuttgart 21 n’est pas seulement une affaire de chiffres, de faits et d’arguments, mais qu’il y va de la capacité des simples citoyens à aborder avec assurance décideurs politiques et responsables de la planification. Ils auraient compris que la construction d’une nouvelle gare les regardait aussi et exigeait leur engagement. « Cela pourrait donner des idées à toute la République fédérale. Les gens ne veulent plus se contenter de voter tous les quatre ans, ils veulent aussi exercer leur citoyenneté démocratique.» Dans ce contexte Rucht se dit impressionné par la présence physique, la persévérance et l’abnégation dont ont fait preuve nombre de manifestants à Stuttgart. Il croit qu’à l’avenir ces gens n’auront sûrement plus le même regard sur la politique."
En Allemand :
" Rucht bescheinigt den Stuttgartern, dass sie "aufgewacht" seien. Sie hätten erkannt, dass es nicht nur um Zahlen, Fakten und Argumente zu Stuttgart 21 gehe, sondern um ein selbstbewusstes Auftreten der Bürger auch gegenüber politischen Entscheidungsträgern und Planungsverantwortlichen. Sie hätten erkannt, dass die Frage eines neuen Bahnhofs auch ihre Angelegenheit sei und man sich dabei engagieren müsse. "Das könnte auch bundesweit Vorbildcharakter haben. Die Menschen wollen nicht mehr nur alle vier Jahre zur Wahl gehen, sie wollen sich auch sonst demokratisch einbringen", sagt Dieter Rucht. In diesem Zusammenhang beeindrucke ihn die physische Präsenz, Beharrlichkeit und große Opferbereitschaft, die viele Demonstranten in Stuttgart aufbrächten. Diese Leute werden künftig mit Sicherheit einen anderen Blick auf die Politik haben, glaubt der Wissenschaftler."
Il y a donc pour le chercheur sociologue une forte dose d'espoir et de positivisme dans cette manifestation et ses dérapages : peut-on en dire la même chose de la contestation en France actuelle. Difficile de comparer tant les sujets sont différents : entre un mouvement de protestation lié à l’environnement dans une ville et un mouvement de protestation sociale? Il y a là une différence de taille. Les allemands n'ont pas manifesté contre la réforme des retraites ou si peu, ils n'ont pas non plus protesté contre cet impôt qui a permis la reconstruction de l'est lors de la réunification et qui les a tous touchés. Cela leur semblait normal, tout comme la réforme des retraites.
Faut-il partager cet optimiste, je n'en suis pas sure, d'où le titre de mon billet : " Une culture de contestation nouvelle? ou le faux engagement citoyen?
En réalité, je ne sais pas si toute cette énergie de contestation n'est pas pure perte parce qu'elle est en réalité mal dirigée ou investie au mauvais endroit.
Car ce qui est juste dans l'analyse de Stuttgart 21, c'est le glissement. D'une contestation à un projet d'aménagement du territoire, la foule des protestataires est passée à une contestation plus globale du système en général. IL y a une réelle radicalisation et une critique ouverte des systèmes de partis et de passe droits en politique, critique aussi sensible en France à mon avis !
Le médiateur nommé dans l'histoire de Stuttgart va utiliser Internet comme moyen de communication et de débat, et ce à la demande des manifestants, moderne ? Pas seulement. Je crois personnellement qu'aujourd'hui, la résistance est plus organisée sur Internet qu'ailleurs.
C'est dommage surement car les protestations seraient surement plus efficaces si elles prenaient une forme plus participative à la vie politique, encore faudrait-il pour cela une véritable révolution copernique de l'organisation de cette vie politique et entre autre du fonctionnement même des partis, tant en Allemagne qu'en France.
Le pire est que je ne suis pas sure que les réformes des collectivités territoriales en France, voir à ce sujet l'article trop peu commenté de Vincent Verschoore : La réforme des collectivités territoriales ou le joug de l'Etat nouveau vont favoriser le changement de pratiques en la matière !
Aphasix lui ne résiste pas à la tentation de comparaison : " Stuttgart 21 est vraiment intéressant. Comment un projet multimilliardaire peut être gêné, voire stoppé par de simples citoyens. Et en France ? Simple : 3,5 millions de personnes dans la rue sans effet."
VERSION ANGLAISE
A new culture of protest or false civic engagement?
I just finished reading several articles about Stuttgart 21 and feel upset because I don`t understand anything of what was happening in this city.
First on blogs, because I find that official information, except in the case of Stern magazine, is not very easy to understand. So I read this article in Der postilion: Pro and Contra: Postilion erklärt der Sttugart 21
Then the site Txaxcala, some good advice from Boris Carrier, that other article: no to the new station: the Stuttgarters invent a culture of protestation, from David Weyand and translated by Michele Mialane. The German original text is here.
To summarize what happened in Stuttgart, for those who have not read about it yet, I recommend the blog of Aphasix, who pretty much sums up the story:
What is Stuttgart 21?
"The city of Stuttgart is the capital of Baden-Württemberg. A bastion of the CDU since the creation of the post-war. For fifteen years the DB [German railways company] is working on a big project which aims at having underground railways station and the building has begun with the demolition of the old station.
Why Stuttgart 21?
- Without this project, Stuttgart and the Land would be deserted by the international “fast” traffic
- Travel time between Stuttgart and Ulm would be reduced
- 4000 jobs. The building will be open ground: a new neighbourhood
- Green spaces are bigger for a better quality of life - Paris-Budapest, finally ...
- Passenger comfort
- The airport and convention centre will be connected to the fast line of Ulm
But there was a big protest because:
Why not Stuttgart 21?
- The changing of the project price is always higher. How far? They demand more schools, and an effort at social and health level, better than this enormous project.
- An "update" of the present station would not cost so much.
- Nothing prevents still having connections at the surface
- Part of the station is a "historical monument". Why destroy it?
- Trees (at least 100 years old) will be slaughtered.
- The new neighbourhood will be a neighbourhood only for rich people.
- There might be a conflict of interest: members of the government [Land] may be involved in this conflict, and a lot of money will flow."
But how come things went wrong in a country like Germany, where, according to the legend, there are no demonstrations? At first, the demonstrations were good-natured and all kinds of people participated, according to the news, and then there was a lot of violence towards the demonstrators.
On September 30, they began to cut the trees in the park, without the court having made any formal decision. Then they went against the protesters, there was use of violence by water jets: the results are terrible, several injured people: a man who risks losing his sight and whose image has been all Germany.
This was not unnoticed at Mediapart; this post proofs it.
Roman Lacuisse: From Stuttgart to Bastille, how can citizens gain the right to public debate?
In this note, the author asks a question to open a debate that has not begun on this post, to my great regret, because the theme seemed exciting! "Why civil society has led to legally anchoring the notion of public debate in the field of environment, not in the social field (and its subsidiary question: is it just desirable)?"
Well, in this case, in Stuttgart, political debate has turned into political confrontation. Dialogue procedures were unfortunately not there. However, what David Weyand writes in his article is full of strength of conviction and optimism. I personally do not know whether to share it. David Weyand has interviewed the sociologist Didier Rucht about the events in Stuggart and the latter says :
"The Stuttgarters" woke up ". They have understood that Stuttgart 21 is not just about numbers, facts and arguments, but it is in the ability of ordinary citizens to deal with policymakers and planners. They have understood that the building of the new station was also their interest and commit themselves to defend their vision of it. "This could give ideas to the entire Federal Republic. People do not want just to vote every four years They also want to exercise their democratic citizenship." In this context Rucht was impressed by the physical presence, perseverance and selflessness shown by the number of demonstrators in Stuttgart. He believes that in future these people won’t have the same outlook on politics. "
German:
" Rucht bescheinigt den Stuttgartern, dass sie "aufgewacht" seien. Sie hätten erkannt, dass es nicht nur um Zahlen, Fakten und Argumente zu Stuttgart 21 gehe, sondern um ein selbstbewusstes Auftreten der Bürger auch gegenüber politischen Entscheidungsträgern und Planungsverantwortlichen. Sie hätten erkannt, dass die Frage eines neuen Bahnhofs auch ihre Angelegenheit sei und man sich dabei engagieren müsse. "Das könnte auch bundesweit Vorbildcharakter haben. Die Menschen wollen nicht mehr nur alle vier Jahre zur Wahl gehen, sie wollen sich auch sonst demokratisch einbringen", sagt Dieter Rucht. In diesem Zusammenhang beeindrucke ihn die physische Präsenz, Beharrlichkeit und große Opferbereitschaft, die viele Demonstranten in Stuttgart aufbrächten. Diese Leute werden künftig mit Sicherheit einen anderen Blick auf die Politik haben, glaubt der Wissenschaftler.
For the social researcher, there is here a strong dose of hope and positivism in this event and its excesses: can we say the same about the current demonstration in France. Difficult to compare because the two subjects are different. Between a protest related to the environment planning in a city and a movement of social protest, there is indeed a big difference. The Germans have not demonstrated against the pension reform, or so little, they have not protested against tax that has allowed the reconstruction of the east during the reunification and that has affected all. It seemed normal, like the pension reform.
Should we share this optimism, I'm not sure, hence the title of my post: "A new culture of protest or a false civic engagement?
In fact, I do not know if the whole energy spent on the protest and demonstration is not wasted because it is really misdirected or invested in the wrong place.
What is true in the analysis of what happened in Stuttgart is the sliding from the protests against the changes proposed in the environment (the new railway station) to a protest against the politic system and the way decisions are taken. There is a real radicalization and open criticism of the political party system and the preferential treatments in politics, something that is also a critical point in what is happening in France now, in my opinion!
The appointed mediator in Stuttgart will use the Internet as a means of communication and debate, at the request of the demonstrators. Modern? Not only. I personally believe that, today, resistance is more organized on the Internet than elsewhere.
It's a shame, because the protests would probably be more effective if they took a more participative action in politics, but then we would need a kind of Copernican revolution in the party system both in Germany and France.
The worst is that I am not sure that the reform of local government in France, see the article from Vincent Verschoore on this subject, which is not commented enough: The reform of local authorities or the new power of the State will promote a change of practices!
Aphasix cannot resist the temptation to compare: "Stuttgart 21 is really interesting. How does a multibillion dollar project may be hampered or even stopped by private citizens. And what about France? Simple: 3.5 million people in the street without effect".
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