mercredi 17 février 2010
Les sirènes de Bagdad de Yasmina Khadra
Un certaine professeur, abonnée de mediapart, disait faire lecture des Sirènes de Bagdad à ses élèves, et si j'avais lu d'autres romans de cet auteur, celui-ci m'avait échappé. Alors je me suis rattrapée en allant le chercher à la bibliothèque.
Si vous ne connaissez pas Yasmina Khadra, dont on a longtemps pensé qu’il était une femme de par ce pseudonyme, il est de son vrai nom Mohamed Moulessehoul et a déjà publié sous ce nom nouvelles et romans en Algérie. Officier dans l'armée algérienne, il a participé à la guerre contre le terrorisme. Il a quitté l'institution en 2000, avec le grade de commandant, pour se consacrer à sa vocation: écrire. Il choisit de le faire en français. Morituri le révèle au grand public. Aujourd'hui écrivain internationalement connu, Yasmina Khadra est traduit en 33 langues.
Ce que moi j’aime avant tout chez cet auteur, c’est sa langue chantée. Khadra pour moi, c’est comme un chant psalmodié mais pas du tout ennuyeux. Les images sont fortes, le vocabulaire parfois décalé, hors contexte, mais cela justement lui donne cette tonalité incroyable qui n’est vraiment pas de chez nous, mais pourtant en notre langue. ET le sens de son combat est celui d'un homme engagé au rapprochement des cultures. J’ai ressenti cela dans tous les livres que j’ai lu de lui jusqu’à présent.
En ce qui concerne les Sirènes de Bagdad, qui comme son nom l’indique se passe en Irak, après "Les Hirondelles de Kaboul" (Afghanistan) et "L'attentat" (Israël), il s’agit du troisième volet de la trilogie que l'auteur consacre au dialogue de sourds opposant l'Orient et l'Occident. Et effectivement, on y plonge corps et âme. Que l’on connaisse ou pas l’âme orientale, ces romans vous ouvrent des portes de compréhension. D’abord et avant tout parce qu’ils reflètent un insupportable quoditien ou un trop supportable quotidien. Celui de populations entières qui « souffrent » dans leurs morale et leur âme de, disons le clairement, d’atteintes diverses et variées. Pour le personnage principal des sirènes de Bagdad, l’humiliation finale a lieu lors d’un contrôle des forces américaines, où il voit son père maltraité et humilié. Il voit les parties génitales de son géniteur, ce qui est l’infamie suprême que bien sur, un occidental ne peut comprendre.
Extrait :
« Je regardais mon père, et mon père me regardait. Il devait lire dans mes yeux le mépris que j’avais pour tout ce qui avait compté pour nous, la pitié que m’inspirait l’être que je vénérais du haut d’une falaise maudite par une nuit d’orage, il me regardait du fond de l’opprobre ; nous savions déjà, à cet instant précis, que nous étions en train de nous regarder pour la dernière fois… et à cet instant précis, alors que je n’osais pas broncher, je sus que rien ne serait comme avant, que je ne considérerais plus les choses de la même façon, que la bête immonde venait de rugir au tréfonds de mes entrailles, que tôt ou tard, quoi qu’il arrive, quoi qu’il advienne, j’étais condamné à laver l’affront dans le sang jusqu’à ce que les fleuves et les océans deviennent aussi rouge que l’éraflure sur la nuque de Bahia, que les yeux de ma mère, que le faciès de mon père, que la braise en train de me bouffer les tripes en m’initiant déjà à l’enfer qui m’attendait…. »
Un exemple de cette langue Khadra dans l’extrait ci-dessus qui est le passage central de ce livre, l’entrée en résistance du personnage principal, attachant autant que repoussant dans sa folie vengeresse.
Je garde de ce livre la note d’espoir triste de la fin du livre, étrange ronde d’un livre qui commence à Beyrouth et s’y termine, comme si tout n’était que destin, là aussi…. Le personnage y dit une phrase qui est bien pour moi poésie contemporaine :
«Je me concentre sur les lumières de cette ville que je n'ai pas su déceler dans la colère des hommes»
Site officiel de l'auteur : http://www.yasmina-khadra.com/
Une vidéo où il présente ce livre : http://www.youtube.com/watch?v=w8mqx1EEirg
.......dans laquelle il dit "Je veux que le monde retrouve un peu de lucidité, et donc j'ai écrit ce livre pour dire aux gens combien cette guerre préventive est une guerre abominable, une guerre devastatrice, et combien à cause du silence de l'Occident et de la faiblesse de l'Orient, le malentendu entre ces deux extrèmes sera encore aggravé, et j'espère, à travers ce livre, permettre à des gens, surtout à des occidentaux d'accèder à une horreur qu'il faut absolument condamner, interdire et remettre les politiques à leur place. "
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