jeudi 18 février 2010
James Lee Burke ou quand un écrivain de polar écrit autre chose qu'un polar !
Quand des écrivains de polar écrivent autre chose que des polars, c’est très souvent une réussite. Car le fait d’avoir creusé des facettes troubles dans l’écriture dite noire donne de très bonnes ressources psychologiques pour toucher à d’autres genres, comme par exemple le roman historique.
C’est le cas d’un auteur que j’apprécie énormément James Lee Burke. Le livre que je vous conseille et que je viens tout juste de refermer s’appelle White doves at morning. Je ne sais pas s’il ce livre est traduit en français. L’article suivant s’adresse donc à ceux qui pourront le lire en anglais s’il n’est pas traduit. Mais que cela ne vous empêche pas de commencer par d’autres livres de l’auteur, car il est prolifique.
James Lee Burke est né le 12 décembre 1936 à Houston, Texas. Etudes dans des écoles catholiques, puis diplômes de littérature anglaise et de journalisme à l’Université de Louisiane. Il a tout fait Burke : il travaille comme son père sur des plates-formes pétrolières, pose des câbles sous-marins, devient éducateur social à Los Angeles, enseigne un temps dans différents collèges, écrit quelques articles pour un canard de Louisiane, bosse aux services des Eaux et forêts au Kentucky. Et il écrit… son premier roman est publié en 1965 (Half of Paradise) mais il vend plutôt mal… c’est seulement en 1986 avec la première aventure de son héros David Robicheaux, vétéran du Vietnam déglingué par la bibine, lieutenant de police démissionnaire (il ne supporte pas la corruption qui vérole le monde des flics) dès le premier roman : La Pluie de néon. Il y en aura onze que je vous conseille… la Louisiane tout en couleurs. Puis vient une autre série avec Billy Bob Holland, ancien Texas ranger.
Mais le roman dont je vous parle est un OVNI au milieu de cette peinture policière située en Louisiane. Seul le lieu est le même : la Louisiane d’une autre époque. L’auteur dit de ce roman que :
« White Doves of Morning is the novel I have wanted to write all my life. I did very little research for it because I grew up and lived in a time when the visible reminders of the Civil War were at the ends of my fingers. » (WDOM est le roman que j’ai voulu écrire toute ma vie. Je n’ai pas fait beaucoup de recherches pour lui car j’ai été élevé et j’ai vécu au temps où je pouvais toucher des doigts les restes visibles de la guerre civile ».
Et on le sent en lisant ce livre tactile. L’auteur fait vivre des personnages qui sont ses ancêtres (Robert Perry était son arrière grand père et Willie Burke ; fils d’immigrés irlandais, son grand oncle. Les événements décrits sont réels. Le personnage central, l’esclave Flower et l’infirmière abolitionniste Abigail Dowlin comme de vraies femmes, pas seulement des héroïnes de roman. Est racontée une partie de la guerre civile, de ces deux hommes qui, rejoignant l’armée confédérale vont se retrouver confrontés à des conflits intérieurs forts en lien avec les sentiments qu’ils éprouvent pour l’infirmière abolitionniste Abigail Dowlin, qui, avec Flower Jamison est un des personnages féminins du roman, parmi les plus marquants.
Flower Jamison est l’amie de Willie appartenant Ira Jamison, fils du vieux sud qui transforme sa plantation, après la guerre en pénitencier dans lequel les prisonniers vont remplacer les esclaves devenus libres. Flower apprend à lire et est protégée par Abigail et Carrie LaRose, la tenancière du bordel et son frère capitaine Jean-Jacques LaROse. Ce qui va rendre furieux les militants du Ku Klux Klan, the White League and the Knights of the White Camellia..
D’autres personnages tous plus cruels apparaissent dans ce roman inoubliable : Todd McCain, commerciant et Rufus Atkins, le gardien des esclaves, puis des prisonniers de la plantation Angola.
Que ressent on au sortir de la lecture d’une telle fresque ? Sûrement ce que l’auteur veut nous faire ressentir : que les riches sont le diable et qu’il n’y a pas plus de noblesse dans la richesse que dans la pauvreté. Pourtant, il y a de nombreuses choses bizarres dans ce roman, du point de vue historique. L’auteur laisse entendre que la seule raison du conflit est la libération des esclaves, ce qui est un peu simpliste. Est-ce important, oui si on veut absolument respecter l’histoire, non si on veut juste en illustrer certaines choses, et entre autre la rendre réelle au travers de personnages semi-réels l’ayant vécue. Le reste, si on s’y intéresse (c’est mon cas), est à rechercher dans les vrais livres d’histoires.
Une digression car je ne peux y résister. L’interprétation traditionnelle, inculquée aux jeunes Américains voulait que le Nord se fût embarqué dans la guerre afin de supprimer l'esclavage qui sévissait au Sud (où les esclaves noirs formaient environ le tiers de la population). C’est celle que reprend clairement l’auteur dans ce roman. Plus récemment, une nouvelle école soutient que la volonté sécessionniste du Sud avait été motivée par des raisons économiques étrangères à l'esclavage, et que l'intervention du gouvernement fédéral relevait essentiellement de l'impérialisme de l'Union. Ce que personnellement, je pense bien plus vrai ! Mon avis est que les véritables motivations de Washington n'avaient pas grand chose à voir avec la suppression de l'esclavage. Certes, il existait bien un mouvement anti-esclavagiste au Nord mais Lincoln lui-même, au début de la guerre civile, déclarait que son seul but était de préserver l'Union et que, s'il le fallait pour y arriver, il était tout aussi prêt à maintenir l'esclavage qu'à le supprimer. Dans cette dernière éventualité, il était au nombre de ceux qui proposaient de déporter les esclaves affranchis. La guerre de secession a surtout permis de renforcer tout contrôle administratif, ce que Tocqueville appelle la "tyrannie administrative".
Je vous conseille, pour ceux qui s’interesse à l’histoire de la guerre de secession le livre de Jeffrey Rogers Hummel, Emancipating Slaves, Enslaving Free Men. A History of the American Civil War, Chicago, Open Court, 1996
Et sur James Lee Burke
Le site de l'auteur :
http://jamesleeburke.com/index.html
Une interview : http://books.guardian.co.uk/departments/crime/story/0,6000,914817,00.html
Un article sur le livre avec extraits :
http://duckalogue.blogspot.com/2006/01/white-doves-at-morning-novel-by-j...
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