LE BLOG DE CHRISTEL

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Le dessin ci-dessus est de François Matton

jeudi 18 février 2010

Le gradient de santé en France : fatalité ou combat?



24 Septembre 2008 Par Christel


Un billet m'avait interpellée il y a quelques mois, mais je ne réussis pas à en retrouver son auteur sur la question de la santé publique. Que tous n'étaient pas égaux devant ces questions. J'ai cherché à en savoir plus et ce que j'ai trouvé m'a pour le moins renforcée dans ce que je pensais. Qu'effectivement nous avons en France quelques soucis à nous faire de ce coté-ci de l'inégalité croissante sur ce champ de la santé publique. Les raisons en sont multiples, c’est vrai, mais est ce une raison pour baisser les bras, et se dire que c’est inévitable ?


L’inégalité c’est surtout et avant tout une mortalité prématurée élevée (mortalité dite évitable avant 65 ans) qui se concentre autour de cinq facteurs de risque : le tabac, l’alcool, les facteurs nutritionnels, le suicide et les accidents de circulation.


Ce que l’on sait, c’est que en 2004, l’espérance de vie en France a franchi le seuil des 80 ans en moyenne (76,7 pour les hommes, 83,8 pour les femmes). Si les Français se portent globalement mieux, ce progrès d’ensemble profite inégalement : l’espérance de vie des ouvriers à 35 ans est inférieure de 6,5 ans à celle des cadres et des professions libérales du même âge. Les progrès enregistrés produisent donc des bénéfices de santé inégalement répartis selon les départements, les sexes, les catégories socioprofessionnelles
Les catégories les plus modestes sont les plus exposées aux conduites à risque. Mais ce sont aussi celles dont le recours aux structures sanitaires et aux biens de santé est le plus faible.
On retrouve ces différences dans pratiquement tous les domaines : qu’il s’agisse des maladies cardio-vasculaires ou du cancer, en passant par les accidents, les problèmes dentaires et la santé mentale.
Alors que c’est depuis peu qu’en France on s’interroge sur le lien entre facteurs sociaux et état de santé, en Angleterre et dans les pays du Nord de l’Europe, on y
travaille depuis le début du XXème siècle. De ces études, menées en Angleterre (rapport Black – 1980) puis en France, a émergé le concept de « gradient social de santé », point de départ de l’analyse des facteurs susceptibles d’apporter un éclairage sur les inégalités sociales de santé.
C’est un concept intéressant que je ne connaissais pas du tout : il s’agit d’abord de voir comment interagissent des facteurs individuels de risque puis de facteurs sociaux et économiques enfin, des facteurs professionnels. On considère aujourd’hui, qu’à côté des aspects socioéconomiques qui ont leur poids, d’autres facteurs sont également à prendre en compte à travers un ensemble « psychosocial » où se jouent la place des personnes dans la société, l’image qu’elles ont d’elles-mêmes, la part d’initiative qui leur ait laissée dans l’accomplissement de leurs tâches, tout ceci ayant des
conséquences sur la vie personnelle.
Le « gradient de santé » c’est donc l’association entre position dans la hiérarchie sociale et état de santé. En fait, les personnes qui jouissent d’un statut social élevé sont en meilleure santé que celles qui sont juste en dessous et ainsi de suite jusqu’aux plus démunis. On observe en France, sur la dernière décennie, que l’espérance de vie est inférieure de 7 ans chez les hommes appartenant à la catégorie « ouvriers », à celle des « cadres » ; différence qui s’accentue encore chez les inactifs (ces différences existent chez les femmes mais avec une moindre amplitude).
Sous l’angle de la mortalité avant 65 ans, les catégories sociales les moins favorisées
paient le plus lourd tribut. Les analyses se rapportant à la perception de la santé, au nombre de maladies chroniques, à la prévalence de certains symptômes dont ceux liés à la souffrance psychique (anxiété, états
dépressifs...), témoignent des mêmes évolutions, leur fréquence s’accentuant à mesure que les conditions
sociales sont moins satisfaisantes. On observe aussi qu’à même état physique et même âge, un chômeur a deux fois plus de « risque » de percevoir négativement sa santé qu’une personne travaillant et / ou ayant un niveau d’études élevé. Toutes les analyses faites dans des groupes plus spécifiques (personnes handicapées….) traduisent les mêmes phénomènes.
On parle donc « d’épidémiologie sociale ».
«
Mieux vaut être riche et en bonne santé que pauvre et malade » dit le dicton ! Le lien entre pauvreté et santé est frappant. Ne pas pouvoir se loger convenablement, ne pas travailler régulièrement, ne pas manger à sa faim ou de manière équilibrée tous les jours… augmentent les risques de développer de graves problèmes de santé, physiques et mentaux. Mais il n’y a pas que la question de privation matérielle : composer avec des opportunités moindres, vivre avec le stress et le sentiment d’avoir peu de contrôle sur sa vie : tous ces sentiments subjectifs
comportent aussi des effets négatifs sur la santé.
A cela s’ajoute la question des disparités régionales car par exemple, si l’espérance de vie à la naissance est légèrement plus élevée en Ile-de-France qu’en métropole mais, elle reste au-dessous de la moyenne nationale
.
Les inégalités sociales de santé ont un caractère particulièrement précoce : avec, par exemple, dès l’âge de 6 ans, des différences sociales marquées en matière d’obésité ou de caries mal soignées.
Le chômage et l’inactivité ont une part prépondérante, avec à la fois des phénomènes de sélection et d’exclusion de l’emploi liés à la santé, mais aussi un rôle spécifique avec les périodes de chômage et de
précarité qui lorsqu’elles se prolongent peuvent aboutir à la combinaison de troubles physiques, psychiques et de comportements à risques qui s’additionnent.
Mais pourtant de nombreuses questions demeurent d’ailleurs sans réponse :
- Comment les inégalités sociales de santé en viennent-elles à se manifester sous forme de maladies psychiques et mentales ?
- Quels sont les facteurs environnementaux déterminants pour l’état de santé ?
- Comment la perception du statut socio-économique d’une personne (en situation de précarité, de pauvreté ou de handicap) affecte-t-elle sa santé ?
Pourtant je reste persuadée que des propositions pourraient être faites pour améliorer cette situation que je ne veux décidément pas considérer comme inévitable, question d’utopie… peut-être, ou de non indifférence sociale….
Il existe des relais d’informations pertinents sur les territoires : associations de terrain liées aux problématiques (addictions, handicaps ...) et les lieux de contacts (points info santé, centres sociaux...).
Je me suis toujours demandée pourquoi la question fondamentale de la prévention est toujours aussi difficile à financer.
Mais le maître mot en la matière, je crois que c’est celui de coordination.
Cela fonctionne sur certains territoires où existent des dispositifs performants (les Atelier santé ville
). Ces initiatives fonctionnent si il y participation. Entendons nous sur ce mot si galvaudé de nos jours.
Pour qu’une action de coordination soit pertinente, il faut que le diagnostic soit partagé, et donc que tous participent, pas seulement les professionnels de la santé. Les associations, les habitants eux-mêmes, en prenant en compte les échelles territoriales (quartier, ville, communautés d’agglomération, ….) et l’évaluation de l’existant.
Si on s’attache à cela, se créent des processus d’implication des personnes, de création de réseaux, de partenariats, de collaborations institutionnelles, il y a sûrement un espoir de ne pas considérer comme inévitable le gradient de santé défavorable à certaines catégories sociale ou à certains territoires…

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